Retraites : sans co-construction, pas d’appropriation

François Pellerin
3 min readJan 24, 2023

La co-construction a fait la preuve de son efficacité dans les organisations qui l’ont adoptée. Comment se fait-il que notre démocratie refuse de l’intégrer ? Aucune pédagogie d’un projet conçu en surplomb ne peut remplacer la puissance de la co-construction pour favoriser l’appropriation.

Dans les organisations (entreprises, associations, collectivités territoriales), l’idée fait son chemin. Sans co-construction avec les salariés, un projet de transformation est la plupart du temps voué à l’échec. L’accompagnement du changement ne peut plus être une simple campagne de publicité de la direction pour son projet. Construire le projet avec les salariés permet à la fois de le rendre plus pertinent, en collant au terrain, mais aussi de favoriser une meilleure appropriation du projet par toute l’organisation.

Cette évidence semble être complètement ignorée par les politiques. Nos élections, et en particulier l’élection présidentielle, sont le royaume de la parole péremptoire, de l’ego, de la radicalité. Femmes ou hommes, tous les candidats présentent les mêmes caractéristiques : ils sont sûrs d’eux, savent tout, et c’est semble-t-il ce qui fait leur légitimité. Aucune nuance, aucun doute ne doit habiter le candidat. C’est un problème majeur qui stérilise notre démocratie.

Il faudrait que l’élection présidentielle accouche de projets tels que : « Réformons nos retraites et faisons-le ensemble ». Et non pas promouvoir un slogan qui claque, en mettant en avant un mot d’ordre simpliste : 64 ou 65 ans. Exclure a priori les autres approches d’une réforme paramétrique, intégrant la contribution des retraités et des entreprises, ne permet à personne de se l’approprier. Le gouvernement nous parle de pédagogie, et on voit bien qu’il n’y est pas parvenu. La raison est toute simple. Dans une réforme aussi complexe, il n’y a pas de solution unique, et donc le débat, la confrontation des idées et finalement la co-construction sont les seules voies possibles pour obtenir, sinon une adhésion de tous, du moins d’une part significative de la population.

Les questions qui se posent sont alors : Qu’est-ce qui permettrait de mettre en valeur une proposition qui réserve des marges importantes pour la négociation et la co-construction ? Comment sortir de la spirale de la radicalité actuelle pour accepter enfin le débat et la nuance ? Pourquoi refuser aux organisations syndicales au niveau national un rôle de négociation qui leur revient sur ce sujet ? Cette négociation pourrait être préparée par une convention citoyenne ouverte sur les retraites pour poser le débat et éclairer les français sur les enjeux cachés derrière les paramètres de la réforme (durée de cotisation, âge de départ, contribution des entreprises et des retraités actuels). Ce n’est qu’après cette phase de débat ouverte que la négociation avec les représentants des entreprises, des salariés et des retraités, qui nécessite de la discrétion pour être efficace, pourrait s’ouvrir.

La seule pédagogie qui vaille, c’est la co-construction, car elle permet la compréhension fine des enjeux, l’élaboration collective, et finalement l’appropriation. Il s’agit d’un point de passage obligé pour une démocratie mature comme la nôtre — mais l’est-t-elle vraiment ?

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François Pellerin

Conférencier, chercheur associé MINES ParisTech #travail #management #industrie @frpel